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D’où vient votre rencontre avec le graphisme ?

 

J-F : Ma curiosité en toute chose, je pense... le rapport essentiel à l’autre ? C’est vrai aussi que dès l’enfance, vers l’âge de trois quatre ans, je découpais déjà des images choisies du catalogue de Manufrance pour les réorganiser, les coller à la colle blanche, à ma façon, en des cahiers. J’ai appris en même temps à lire, très vite... beaucoup de lecture. Une passion dévorante pour les livres, les images... les histoires. Dire, raconter, montrer, oui ça depuis toujours, en fait. Oui, beaucoup de lecture, de dessin. À la maison, mes frères et soeurs, moi, dessinions beaucoup, tout le temps. Puis vint le Bac à dix-sept ans, deux années de DEUG de Droit, bref... des études un peu contrariées, des failles familiales, mon premier travail… dans le social. Puis la remise en question... la présentation d’un dossier aux Beaux-Arts d’Angoulême et hop ! c’était parti. J’avais une attirance pour le stylisme à cette époque mais ce fut une orientation section DNAT Arts Appliqués, à Angoulême. Dans le graphisme, je retrouvais tout ça, les images, les lettres, leur structuration entre elles, leur justification... Veillez au sens, toujours... la règle n°1 du graphisme, en fait : cette recherche constante et passionnante de l’équilibre entre le fond et la forme.

 

Pour vous y a t-il une frontière entre vie privée et vie professionnelle ?

 

J-F : Non, pas vraiment et j’espère que cela sera toujours ainsi. Le graphisme c’est ma manière de m’exprimer, de raisonner... Bien sûr, c’est un métier qui me permet de vivre, il est aussi alimentaire, parfois routinier, il comporte beaucoup de contraintes, parfois désarmantes. Mais c’est avant tout de la créativité, le besoin et le plaisir de communiquer tout le temps. Une recherche du sens… Le graphisme, c’est du domaine de l’intime. Un peu comme avec l’écriture poétique que je pratique aussi, constamment. Je ne saurais faire autre chose, en fait, je crois aujourd’hui.

C’est être aussi de son temps, contemporain de son époque… peut-être, c’est çà être moderne (pas au sens de branché, j’entends)... c’est être ouvert, à l’écoute, curieux et actif... s'indigner aussi... parfois... être toujours là, être!

Le graphisme, c’est toujours avoir un regard sur le monde, c’est...  c’est... ma raison de vivre. Je le crois, vraiment !

 

Quels ont été vos premiers employeurs ?

 

J-F : Aux Beaux-Arts, déjà, il y avait interaction avec les institutions culturelles de la ville (mon premier logo a été celui pour le conservatoire de Musique d'Angoulême). Puis à Paris, plusieurs petites agences, disparues depuis, de communication en ressources humaines d’abord, puis de design graphique. Une dizaine d’années à découvrir certains domaines du graphisme, surtout celui de l’institutionnel... ses contraintes, ses règles, sa philosophie. Passionnant ! Mettre en place des systèmes d’identité visuelle, aussi l’édition, la signalétique, etc... Bref, le temps de me forger ma propre identité de graphiste.

 

Dans quels domaines du graphisme préférez-vous évoluer ?

 

J-F : Ceux du culturel et de l’institutionnel sans hésitation. La publicité, le packaging, l’événementiel ne m’ont jamais vraiment séduit. C’est comme ça, je ne sais pas pourquoi ? Trop de marketing, peut-être... L’identité visuelle, même quand il s’agit de systèmes identitaires très lourds et très complexes, me passionne plus… les problèmes posés, leurs contraintes... la réflexion, la communication pour des hommes (et non pas pour des produits), même le graphisme qui en résulte, m’y semblent jamais gratuits.  Plus honnête que dans la publicité, plus humain... moins mercantile, jamais superficiel, à mes yeux bien sûr...

(Du graphisme qui pense plutôt qu’il ne vend.)... toujours ce côté intimiste, idéaliste... peut-être en moi.

 

Comment êtes-vous devenu free-lance ?

 

J-F : Au début des années 90 (au moment de la guerre du Golfe), c’était très difficile, beaucoup d’agences disparaissaient, l’ambiance était morose, agressive. Les agences n’embauchaient plus à cause d’une réduction énorme des budgets client. De plus, c’était plutôt la rentabilité que la créativité qui primait en communication. J’étais déçu...

J’ai eu alors quelques opportunités de travailler autrement, en direct avec des clients, pour un bureau de style sur des cahiers de tendances de mode, etc... Tout ça, en free-lance... et ça dure depuis 1994 et ce statut, en fait, avec le recul, me correspond bien mieux. 

 

Quels ont été vos plus gros clients ?

 

J-F : RENAULT : réalisation du rapport annuel deux années consécutives. En collaboration étroite avec l’agence en stratégie d’identité visuelle IMAGE à SUIVRE, la création de plusieurs identités et systèmes identitaires et de leurs chartes graphiques notamment pour le groupe BOLLORÉ, la CFAO, REXEL... De l’édition scolaire pour NATHAN. Les éditions ATLAS... De nombreux cahiers de tendance et des audiovisuels pour le bureau de style PECLERS Paris. Pour la FONDATION DE LA RESISTANCE, la réalisation entre autres choses d’une exposition sur la sauvegarde des archives privées de la Résistance et de la Déportation.

 

Quels sont vos projets personnels ?

 

J-F : L’écriture de recueils de poésie, leur édition.

La création de US-FLUX, un label lié à mon travail d’écriture, né presque contre moi  en 2000 comme un besoin irrésistible d’envoyer des messages, des mots, des images, de partager vers l’autre. C’est aussi un manifeste pour le faire... une rencontre, une affinité, une nouvelle identité pour moi.

La création de US-FLUXLETTER, proposant un texte inédit d’auteur (petite nouvelle, court essai ou poème, photographie ou illustration) en résonnance avec un univers graphique, sous la forme d’une lettre A3 R°/V°, que j’espère, régulière. Voilà... voilà. 

 

Vos influences/références déterminantes ?

 

J-F : En vrac, le Bauhaus, bien sûr, le graphisme russe des années 20, Neville Brody, l’Histoire du Cinéma de Jean-Luc Godard... le graphisme suisse, Jean Widmer, Mark Rotko, le minimalisme, le noir et blanc, les aplats de couleurs, le flou, la lisière… aussi l’Angleterre, Peter Saville et Why not associates?, le Velvet Underground, Suicide... les suites pour violoncelle de Bach... le clavecin, la viole de gambe... Marin Marais, M. de Sainte-Colombe... la musique baroque... presque toutes les musiques, la poésie - Paul Ceylan, André du Bouchet, Louis-René des Forêts, Jean-Christophe Bailly... - et les fleurs... à la folie, passionnément! Marguerite Duras, Blanchot, Bataille... Pasolini, Genet.. les lettres et les mots... Guibert et Foucault, les mots...  ce que cela évoque... Tellement, tellement encore de choses, sans cesse, tous les jours... la nuit.

 

Comment définisseriez-vous votre style ?

 

J-F : Chaleureux... sensuel, minimal... baroque et... organique.

 

Interview réalisée en 2007 par Agathe Demoulin